Textes

Vendredi 21 novembre 5 21 /11 /Nov 04:47

A toi l'aviateur, qui m'inspires de si loin et de si près...

 

Elle marche dans une rue la nuit. C’est peut-être une rue de Montréal ou une rue de Paris, bien que cela pourrait aussi être une rue de Bangkok ou de Calcutta. Vous me direz que certaines rues dans certaines villes sont moins sûres la nuit, surtout pour une femme seule, mais elle n’a pas peur. Bien sur, il pourrait lui arriver de tomber dans un guet-apens, de se faire poignarder pour une poignée de dollars, de se faire violenter, violer et laisser pour morte le long d’un trottoir.

 

Mais cela lui est déjà arrivé.

 

Cela lui était arrivé  une nuit où elle allait soigner une sœur, aider à donner naissance à un enfant. Cela lui était arrivé une nuit dans un pays en guerre. Cela lui était arrivé en plein jour au cœur d’un désert. Voilée ou habillée, sortant d’un monastère, mère de famille, veuve, cela lui était encore arrivé.

 

Elle marche dans une rue d’une ville la nuit. Elle n’a pas peur. Elle est morte tant de fois.

 

Elle ouvrit la porte basse enchâssée dans les vieilles pierres de la maison de celui qui l’appelait. Elle entra sans bruit. Elle entrait toujours sans bruit.

 

Il dormait.

 

Elle prit un instant pour le regarder. Il dormait paisiblement, les traits lissés par les doigts de la nuit, les paupières un peu gonflées sous lesquelles ses yeux bougeaient doucement. Il devait rêver.  Il était à mi-parcours. Elle n’aimait plus les hommes trop jeunes. Ils étaient sans cesse terrifiés ou préoccupés par cet avenir qu’ils croyaient possédé.

 

À mi-parcours, à mi-chemin entre le crépuscule et l’aube.

 

Elle se glissa sous ses paupières.

 

La musique montait du fond de la salle enfumée. Dans le coin gauche, un petit plancher surélevé, une ampoule projetant une lumière bleue pendait du plafond, des chaises de bois raclaient le sol de pierre sous l’impulsion des hommes à moitié ivres.  La porte dérobée s’ouvrit laissant passer en même temps que la silhouette un courant d’air.  C’était novembre et la nuit était froide pour la saison.

Le silence se fit, tout d’abord percé d’éclats de voix isolés, puis de plus en plus épais. Tous les yeux se tournaient vers elle.  Elle ne les voyait pas.

 

Elle se tenait debout au milieu d’eux, tournée vers l’intérieur d’elle-même. La musique l’encerclait comme autant de mains qui l’auraient caressée. Elle commença à bouger.

 

Tout doucement, tout d’abord les épaules. L’une puis l’autre…puis les mains qui quittaient la taille et s’envolaient comme des oiseaux légers. Les mouvements étaient lents et petits, à peine esquissés et l’on se demandait comment ces hommes pouvaient avoir la patience d’attendre … Qu’attendaient-ils en fait ?

Puis son ventre se mit à onduler. De petites vagues naissaient autour de son nombril, s’élargissant vers les hanches. Des hanches qui se mirent à bouger, lentement si lentement, mais sans jamais briser le rythme.

 

Et soudain…elle se mit à murmurer …C’était une langue inconnue. Mais était-ce vraiment une langue ? On y repérait des voyelles et des syllabes, des lettres aspirées qui pouvaient ressembler aux langues arabes, des lettres de gorges comme dans les rudes langues du nord de l’Europe, des lettres roulées comme les vagues sur une plage de la Méditerranée. La force du a si féminin, la totalité du o enroulé sur lui-même.

 

Les hommes ne parlaient pas. Ils écoutaient ? Ils regardaient ? Qui aurait pu le dire ? Ils étaient là figés devant ce spectacle qu’ils ne comprenaient pas, mais qui soir après soir les fascinait.

 

C’était un temps figé où les minutes s’écoulaient comme de secondes, les heures comme des jours. Elle dansait. Ses voiles la quittaient un à un. On ne percevait pas vraiment le mouvement qui la dénudait, mais la chair apparaissait.  Des bras blancs portaient toujours les mains oiseaux qui hypnotisaient les regards. Les seins se balançaient doucement sans jamais briser la ligne du corps. Le ventre respirait et si un léger voile cachait toujours son sexe, des parfums musqués se répandaient dans la salle.

 

Un instant elle les quitta du regard.  Sa nuque était droite et souple à la fois et si on suivait le chemin dessiné au milieu de son dos, on arrivait à des courbes qui désorientaient le regard. Les muscles de ses fesses se creusaient et se bombaient tour à tour.

 

La musique et la voix montaient toujours dans le silence.

 

Quand elle se retourna vers la salle, tous surent qu’elle allait choisir l’un d’entre eux.

 

Elle posa son regard sur lui. Il sut tout de suite qu’il n’y avait rien à savoir. Il était l’élu et s’il avait eu la moindre intention de se rebeller, les autres lui auraient rappelé brutalement quel était son choix.

 

Elle le déshabilla doucement. Sa voix chantait toujours les étranges syllabes dans cette langue que l’on avait renoncé à identifier pour en savourer tout le charme.

 

Son sexe était dressé contre son ventre, mais c’est à peine si elle eut un regard pour lui. Elle mit ses mains sur ses épaules et appuya à peine vers le sol. Il tomba à genoux.

 

Il respirait le parfum de son sexe, y posa les lèvres. Elle regardait droit devant elle. Les yeux des hommes, comme autant de caresses sur sa peau, ne la quittaient pas. La voix se faisait plus saccadée et quand il commença à franchement la caresser avec sa langue, son souffle se fit plus haletant. Elle chantait.

 

Il la sentait devenir source, il la sentait s’épandre sur sa bouche, il la goutait, la respirait. Elle ondulait et sa voix se transformait en ondulations de plus en plus rapides. Son visage restait calme et serein et c’est à peine si ses paupières eurent une crispation quand vient le moment de se rendre. 

 

Mais ceux devant avaient retenus leur souffle, ceux devant avaient suivi le frisson sur la peau, ceux devant avaient senti le parfum chaud, musqué et mouillé de sa jouissance.

 

Elle disparut par la porte dérobée que le silence n’était pas encore troublé.

 

L’incantatrice emporte dans son chant les années des hommes.

 

À mi-parcours, à mi-chemin entre le crépuscule et l’aube.

 

Elle se glissa sous ses paupières.

 

Elle sortit dans la rue noire par la porte basse enchâssée dans le mur de vieilles pierres. Bien sur la rue la nuit pour une femme seule n’est pas un endroit sûr.  Pourtant, elle n’a pas peur. Elle est morte tant de fois …

 

 

Par Tara - Publié dans : Textes - Communauté : Érotisme sacré
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Mercredi 19 novembre 3 19 /11 /Nov 03:16

Je pourrais vivre cent ans que ma vie ne serait qu’un moment. Je pourrais avoir des milliers d’amants que ma vie ne serait que ce moment. Je pourrais être, disparaître, que rien ne serait différent. Que reste t’il quand la chair s’efface, quand l’esprit s’affaisse ?  Que reste t’il au dernier de ces moments ?

 

Encore une danse, il reste cela. Encore une fois, il reste cela. Encore être une femme. Encore être un homme. Etre quelque chose entre Toi et Moi. Encore sentir ma vie se dissoudre pour mieux se fondre dans cet univers. Encore une fois chercher la pierre.

 

Fondre le plomb. Sublimer la chair. Allumez le bûcher où l’on brûle les sorcières. Monter l’escalier le sourire aux lèvres. Le feu est intérieur, le reste n’existe pas. Vous pouvez brûler mon corps encore une fois.

 

Que reste t’il quand on l’a tenu dans sa main ? Encore une danse, me perdre en toi. Le ying et le yang réuni dans l’âme.

 

Je serai partout vallée où tu seras montagne. Je serai partout chair où tu seras peau. Je serais partout mer où tu seras terre. Je serais partout toi où tu seras moi et moi où tu seras toi.


Danse avec moi.

ps...ce texte provient d'un blog non classé pour adulte que je tiens depuis de longues années. Il m'a semblé qu'il constituait une entrée en matière adéquate.

Par Tara - Publié dans : Textes - Communauté : Érotisme sacré
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